What do you Flair #34: Lucie, Paris

Lucie porte Fleur d'Oranger de Fragonnard

Lucie porte Fleur d’Oranger de Fragonnard

Lucie Sassiat, 28 ans, photographe.

Le parfum, pour moi, c’est hyper important. Je me suis rendu compte assez jeune que j’ai une bonne mémoire olfactive: petite, quand j’allais rendre visite à ma grand mère et qu’elle organisait des goûters avec ses copines, elle me faisait sentir leurs parfums et je devais deviner ce qu’il y avait dedans. C’était un jeu, en quelque sorte. Je me souviens que c’est comme ça que j’ai découvert Angel, avec ses notes sucrées et chocolatées. Ma grand-mère a joué un rôle important dans mon apprentissage du parfum : chez elle, elle avait une commode qui contenait un nombre hallucinant de miniatures. J’ai passé des après-midi entiers à les ouvrir, à les sentir, à les comparer, avec toutes ces odeurs capiteuses qui se mélangeaient dans la chambre recouverte de tapisserie fleurie. Ma grand-mère, elle, portait Mitsouko. Un parfum que j’adore et qui me fait toujours penser à elle, bien qu’elle est décédée il y a une dizaine d’années.

Mais en fait, plus que les parfums, ce qui me transporte, ce sont les odeurs en général. Je me rends compte qu’il faut prêter beaucoup d’attention pour remarquer les odeurs de la vie. Les gens disent « j’ai pas d’odorat » mais je crois pas qu’il y ait vraiment de différences entre les uns et les autres. C’est surtout une question d’attention, non ? Moi, les odeurs, ça me rappelle des choses par flash, comme peuvent le faire certaines chansons associées à des moments de ta vie. Une qui me rappelle mon enfance, c’est celle de l’Huile de Magnolia de Léonor Greyl que ma mère mettait quand elle était enceinte de moi et mon frère. Il y a aussi l’odeur de cuir et de tabac froid que je sentais quand mon père venait m’embrasser le soir en rentrant du boulot, alors que je dormais déjà. Il rentrait de la nuit avec de cette odeur très froide, très forte, que je trouvais hyper rassurante.

J’aime qu’un parfum ait un impact, qu’il me représente. Bon, comme tout le monde, j’ai commencé avec les parfums Disney. Ensuite j’ai eu Anaïs Anaïs en primaire, puis Noa, Amor Amor… pas mal de Cacharel en fait. Ces dernières années, j’ai porté Coco Mademoiselle – dont je dois dire que le côté girly mais en même temps frais et sophistiqué m’émoustille un peu – ou bien l’Eau Douce au Shiso de Roger Gallet quand je n’avais pas de budget. J’ai aussi eu des périodes où j’avais envie de porter des parfums d’homme, comme Emporio Armani He ou Allure Homme Sport Edition Blanche. C’étaient des moments où je me cherchais, je refusais d’être trop féminine, j’avais les cheveux très courts. Le parfum agissait pour moi comme une protection. J’en porte encore de temps à autre, quand j’ai besoin de me sentir forte. Mais depuis un an ou deux, je suis fidèle à la Fleur d’Oranger de Fragonnard. En fait je suis dingue de fleur d’oranger en général, c’est mon odeur préférée : j’ai le savon du Petit Marseillais, l’eau de Sanoflore, une bougie Durance, j’en mets dans tous mes plats, je ne m’en lasse pas ! Mon parfum a un côté bébé propre qui le rend parfait pour tous les jours. Je porte aussi Bois d’Ascèse de Naomi Goodsir, mais plutôt pour sortir, sur ma laine ou ma fourrure. J’ai le sentiment qu’il me protège des agressions, du métro, de la pollution.

Je voyage pas mal pour mon boulot, alors je passe beaucoup de temps dans les aéroports et j’en profite pour sentir plein de parfums. Mais récemment, je me suis un peu éloignée des parfums mainstream : j’ai mis un pied dans l’univers de la parfumerie indépendante et c’est tout un autre monde qui s’en ouvert à moi. C’est une découverte que je dois à Charlotte, la propriétaire de La Maison du Parfum à Rennes, une boutique multimarques de cosmétiques et de parfums. C’est une vraie passionnée. Elle m’a fait faire des visuels de la boutique pour illustrer son site et son blog, mais aussi des portraits et des natures mortes. C’est chez elle que j’ai découvert tous les Frédéric Malle, Naomi Goodsir, la collection Armani Privé que j’ai adoré – notamment Oud Royal et Cuir Noir – et les Tom Ford, qui me parlent un peu moins. Charlotte m’a vraiment ouvert à une autre façon de réfléchir le parfum. C’est assez nouveau pour moi, cette réflexion sur la façon dont les odeurs peuvent avoir un impact dans ta vie. Et je me rends compte que c’est une source d’inspiration énorme.

Du coup, j’essaie de plus en plus de faire des liens entre la photo et le parfum. Par exemple, à quelle odeur la lumière du matin, avec ses tons de bleu, peut-elle être associée ? Quand on dit l’Heure Bleue de Guerlain, pourquoi cette odeur très particulière de bonbon à la violette a pris ce nom qui désigne les premières lueurs du jour ? Moi, l’Heure Bleue, ça me fait penser à une photo que j’ai prise en Auvergne un matin, sur une colline. Une touffe d’herbe pleine de petites gouttelettes. L’ambiance est bleue. Et j’ai utilisé une retouche un peu froide pour souligner ce côté matin qui s’éveille. Si je devais illustrer mon parfum Caudalie, ce serait une fille une plage, une peau brunie par le soleil, une marque de maillot de bain, les grains de sables… Des photos qui illustrent un détail, parce que le parfum, c’est l’intime.

© Lucie Sassiat

© Lucie Sassiat

Lucie Sassiat, 28, photographer.

Perfume is really important to me. I realized pretty early on that I had a good olfactory memory: as a kid, when I visited my grandmother and she hosted tea parties with her friends, she made me smell their perfumes and I had to guess what ingredients were in there. I remember this is how I discovered Angel, with its notes of sugar and chocolate. My grandmother played an important part in the process of my learning to smell: she also had a chest of drawers filled with miniature perfumes. I spent whole afternoons opening them, smelling them, comparing them, filling the flower-wallpapered room with a mix of all their heady smells… As for my grandmother, she wore Mitsouko. A perfume I love and which still reminds me of her, although she passed away ten years ago.

Even more than perfumes, I am moved by smells in general. I realize it takes a lot of attention to notice the smells of life. People say “I have no sense of smell” but I don’t think we are any different from each other. It’s all about attention, isn’t it? Smells bring reminiscences to my mind in flashes, just like some songs associated to moments of your life can do. One that reminds me of my childhood it that of Leonor Grey’s Huile de Magnolia, which my mother put on when she was pregnant with me and my brother. There is also the smell of leather and cold tobacco I smelled on my dad when he came home from work while I was already asleep. He would come back from the night bearing this very cold, very strong smell which was very reassuring to me.

I like a perfume to have an impact, to represent me. Like many others, I started with Disney perfumes, then I got Anaïs Anaïs in primary school, then Noa, Amor Amor… A lot of Cacharel ones, actually. These last few years, I wore Coco Mademoiselle – whose girly yet fresh and sophisticated feel I have to say turns me on a little bit – or Roger Gallet’s Eau Douce au Shiso when I ran out of budget. I’ve also had times when I felt like wearing men’s perfumes, like Emporio Armani He or Allure Homme Sport Edition Blanche. These were times when I was looking for myself, refusing to be too feminine, my hair was very short. Perfume felt like it protected me. But for a year or two, I’ve been faithful to Fragonnard’s Fleur d’Oranger. I am crazy about orange blossom in general: it’s in my Petit Marseillais soap, my Sanoflore water, my Durance candle, I put it in my food, I can’t get enough of it! My perfume has that clean baby feel that makes it perfect for everyday. I also have Bois d’Ascèse by Naomi Goodsir, but I wear it when I go out, on wool or on fur, and I feel like it protects me from the outside, the metro, the pollution…

I travel quite a lot for work, so I spend a lot of time in airports and it gives me time to smell lots of perfumes. But recently, I kind of got away from mainstream fragrances : I set a foot in the world of independent perfumery and a whole new universe opened up to me. It’s a discovery I owe to Charlotte, the owner of La Maison du Parfum in Rennes, a cosmetics and perfumes multi-brand store. She’s a true passionate. She had me take pictures of the boutique to put on her website and blog, but also portraits and still lifes. It’s there that I discovered all the Frederic Malle fragrances, Naomi Goodsir, the Armani Privé collection which I’ve loved – especially Oud Royal and Cuir Noir – and the Tom Ford collection, that I don’t enjoy as much. Charlotte opened me to a new way of thinking about perfume. It’s pretty new to me, this reflection upon how smells can impact one’s life. And I realize it’s a huge source of inspiration.

More and more, I try to make connections between photography and perfume. For example, to what smell can we associate the morning light, with its blue tones? When we say L’Heure Bleue by Guerlain, why does this very peculiar smell of violet candy bear the name of the first glows of the day? L’Heure Bleue reminds me of a picture I took in Auvergne one morning on a hill. A tuft of grass covered with droplets in a blue atmosphere. And I processed it with a cold retouch to underline the dawn feel. If I had to illustrate my Caudalie fragrance, it would be a girl on a beach, skin tanned by the sun, a swimsuit mark, grains of sand… Pictures illustrating a detail because perfume is intimate.

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