Peut-être qu’il nous paraitrait étrange, aujourd’hui, que des maisons de parfum s’inspirent de l’actualité pour concevoir leurs jus. Pourtant, à son époque, Jean Patou ne s’en est pas privé. Déjà, en pleine crise de 1929, le couturier faisait appel à son parfumeur Henri Alméras pour composer Joy, « le parfum le plus cher du monde », conçu comme un cadeau sensé rendre le sourire à ses clientes américaines désargentées. Quatre ans plus tard, il célébrait l’effervescence des Années Folles avec Divine Folie. En 1935, la mise en service du célèbre paquebot Normandie lui soufflait l’idée d’une très belle fragrance ambrée du même nom. Bref, Jean Patou avait le chic pour sentir son temps. La maison nous en offre une nouvelle preuve en relançant Vacances, Colony et L’Heure Attendue, trois fragrances lancées après la mort abrupte de Jean Patou en 1936 mais fidèles au lien qu’il avait réussi à créer entre ses parfums et son époque.
1936. L’arrivée du Front Populaire au gouvernement et les premiers congés payés donnent naissance à Vacances, composition florale verte poudrée, dont les effluves champêtres évoquent les paysages ruraux où les classes populaires s’évadèrent en masse – le bord de mer étant encore, à l’époque, réservé aux élites. Un parfum joyeux, qui s’ouvre sur une belle fulgurance de vert grâce au galbanum pour laisser ensuite la place à une verdeur plus florale avec un coeur de lilas qui évoque la nature et les herbes folles. Fil conducteur de cette fragrance, cette sensation « verte » contraste avec la douceur cotonneuse et très poudrée du mimosa, que soutiennent en fond une bonne rasade d’héliotrope et de muscs.
1938. Si l’époque coloniale est aujourd’hui considérée comme une période franchement sombre de l’histoire française, elle représente à l’époque une formidable ouverture sur le monde. Chypre oriental fruité, Colony rend hommage aux rêves d’exotisme de l’Europe et à tous ces ingrédients inconnus qui y affluent alors depuis de lointains ailleurs, enrichissant au passage la palette des parfumeurs. Un parfum qui surprend dans les premiers instants par sa note ananas très originale, pour dévoiler ensuite un opulent bouquet de jasmin et de rose réchauffé d’épices – muscade, cannelle, girofle. En fond, des bois nobles – santal, patchouli, vétiver – se mêlent de notes chaudes, ambrées et cuirées.
1946. Jean Patou célèbre la fin de la Seconde Guerre Mondiale et de l’Occupation avec L’Heure Attendue, un parfum qui capture l’allégresse de la France libre. Ce boisé-épicé-fruité résolument oriental – il pourrait être le cousin d’un Bois des Îles de Chanel – s’ouvre sur une grande bouffée d’aldéhydes mêlés de néroli et de mandarine. En cœur, la rose, le jasmin et l’ylang-ylang rencontrent une note pêche joyeuse mais très douce. Sensuel, le fond associe bois de santal, ambre, opoponax et patchouli.
A découvrir à la boutique parisienne de Jean Patou, 9 rue Saint Florentin, 75008 Paris.
180€/100ml
www.jeanpatou.com