Agathe Moynot, 26 ans, graphiste.
Petite, j’ai porté Tartine & Chocolat et puis un parfum Naf Naf, en fin de primaire. Au collège, j’ai eu Anaïs Anaïs de Cacharel: j’avais copié ma copine Justine, qui l’avait elle aussi. Je devais trouver qu’elle sentait bon. Et puis, au lycée, j’ai porté Fragile de Jean Paul Gaultier, avec son flacon en boule à neige que je trouvais tellement beau. Je l’avais découvert dans ELLE, tu sais ces pubs avec les petites languettes à sentir. Je les ouvre toujours ! Je me faisais souvent engueuler par ma mère parce qu’après ça pue, mais c’est comme ça que j’ai choisi tous mes parfums, et notamment M7, que j’ai adopté vers la fin de la seconde. Je me souviens l’avoir senti et avoir décidé que ce serait mon parfum. C’est drôle quand j’y repense, j’étais une ado de 14 ans et cette pub, c’était un gros plan sur un mec méditerranéen, lascif et plein de poils! Mais M7 m’allait bien, tout le monde me le disait, y compris mon mec de l’époque qui trouvait que je sentais la hippie. J’étais une ado assez mystique, fan de Jim Morrison et tout, mais je ne pouvais pas porter de patchouli parce que ma mère en avait porté : M7, avec son odeur d’encens, c’était une sorte d’équivalent. J’aimais aussi le côté ambivalent et un peu mystérieux de porter un parfum d’homme, moi qui ai toujours été hyper féminine.
Depuis 12 ans que je porte M7, j’ai fait quelques tentatives pour changer de parfum mais ça n’a jamais marché. Notamment avec Sa Majesté la Rose de Serge Lutens : beaucoup de gens m’ont dit qu’ils ne me reconnaissaient plus. J’ai même une copine qui m’a engueulée limite violemment en me disant que je ne pouvais pas porter ça, que ce n’était plus moi. Comme je change souvent de coupe de cheveux, de style, ce parfum m’apporte une stabilité rassurante, vis-à-vis de moi même et aussi des autres. Je me dis que, si je croise quelqu’un que je n’ai pas vu depuis 10 ans, il pourra toujours me reconnaître à mon odeur.
Il m’est arrivé de retomber sur des vieux flacons de M7 que j’avais laissé trainer à droite à gauche: quand je les sens, j’ai l’impression que c’est une odeur différente. Alors est-ce que le parfum a tourné ? Ou bien est-ce que M7 a été reformulé ? Dans tous les cas, je regrette mon vieux flacon de M7, cette espèce brique qui évoquait l’after-shave, le parfum de grand-père… Maintenant, M7 s’achète dans le flacon standard des parfums Yves Saint Laurent, ils ont aplani la gamme et je trouve ça hyper dommage. Et ça m’énerve beaucoup que le nom des ingrédients soit écrit dessus, je trouve que ça démystifie vachement. C’est comme les cours de bio où on t’explique comment tu es fait à l’intérieur : je me fous de savoir que j’ai un intestin. Ca casse le côté magique du parfum.
Agathe Moynot, 26, graphist.
As a child, I wore Tartine & Chocolat and a Naf Naf perfume towards the end of primary school. Then in middle school I had Cacharel’s Anaïs Anaïs: I copied off my friend Justine, who had it too. I guess I thought she smelled good. And then in high school I wore Jean Paul Gaultier’s Fragile, with this snow globe bottle I thought was so pretty. I had discovered it in ELLE, you know in one of those ads that has a little strip for you to smell. I always open them! My mom would often tell me off because it stank afterwards, but that’s the way I chose all my perfumes, including M7, which I adopted in the tenth grade. I remember smelling it and deciding this would be my perfume. It’s funny now that I think of it, I was a 14-year-old teenager, and this ad was a close shot of some Mediterranean guy with a lascivious pose and lots of hair! But M7 suited me, everyone told me so, including my boyfriend back then, who thought I smelled like a hippie. I was rather mystical as a teenager, I loved Jim Morrison and all, but I couldn’t wear patchouli because my mom had worn it: M7, which smells like incense, was a sort of equivalent. Besides, I loved the ambivalent, kind of mysterious feel of wearing a man’s perfume whereas I’d always been so feminine.
In 12 years of wearing M7, I did several attempts to change my perfume but it never worked. Among others I tried Serge Lutens’ Sa Majesté la Rose: many people told me they didn’t recognize me anymore. I even have a friend who became almost violent, telling me there was no way I could wear this, that it just wasn’t me. Because I often change my hair, my style, this perfume gives me a stability that’s reassuring both for me and for people around me. I think that, if I run into someone I haven’t seen in 10 years, they will still be able to recognize me through the way I smell.
I have happened to stumble on old bottles of M7 I had left in various places: when I smell them, I feel like it is different. Has the perfume gone bad? Or has M7 been reformulated? In any case, I regret my old bottle of M7, this sort of brick that evoked aftershave and grandpas. Now, M7 comes in the standard bottle for Yves Saint Laurent’s perfumes, they have evened out the range and I think it’s a shame. It really annoys me that the name of the ingredients is written on it, I think demystifies it a lot. It’s like going those biology classes where they explained what this inside of your body is like: I don’t care about knowing I have an intestine. It takes all the magic out of the perfume.