Arthur Lavandier, 27 ans, compositeur. SCROLL DOWN FOR THE ENGLISH VERSION
Si je dois vraiment être exhaustif, j’ai eu un parfum Disney, quand j’étais petit. Plus tard, vers la fin du collège, j’ai essayé l’Eau des Baux de L’Occitane, dont mon père avait acheté un flacon. J’aimais bien ce qui sentait bon mais je ne m’intéressais absolument pas au parfum. Résultat: pendant 10 ans, je n’ai porté que celui-ci. L’Eau des Baux, je le préfère sur moi que quand je le sens sur un bout de papier ou sur d’autres personnes. Quand j’en mets, son odeur disparaît assez rapidement mais c’est pour mieux réapparaitre en fin de journée, voire le soir, surtout si j’ai un peu transpiré : c’est là qu’il se transforme, qu’il devient très cool et très personnel. C’est à ce moment là aussi que les gens ont tendance à me faire des compliments dessus. Modjo maximum 12 heures après vaporisation. Aujourd’hui, même si je le porte encore de temps en temps, je me dis que ce parfum aura été celui de ma jeunesse.
L’année dernière, je suis allé chez Jovoy pour la première fois et je suis ressorti avec Fumoir d’Arte Profumi. Fumoir, je l’aime d’amour. Contrairement à l’Eau des Baux, qui sur moi se transforme beaucoup au fil du temps, lui c’est une fulgurance directe : il est tout de suite plein, c’est une évidence, et il reste tel quel jusqu’à la fin. Avant, je ne mettais jamais de parfum sur les poignets mais j’ai commencé avec Fumoir : déjà parce que ça parfume mes vêtements en hiver, mais surtout parce que j’ai découvert que, dans le métro, je pouvais m’échapper complètement juste en portant une main à mon nez. Ce qui est assez pratique le matin à Château-Rouge. Fumoir me transporte dans un autre univers, bien qu’il ne m’évoque pas des images précises. Alors évidemment, il y a le cuir, le bois, le feu, la terre, le whisky, le chocolat… mais ce qui me frappe et qui me plaît chez lui, c’est qu’on sent le travail de construction qui a été mis en œuvre. Comme quand on voit un grand film ou qu’on écoute une super symphonie. Mes connaissances en parfumerie sont très limitées, mais dans la musique, la construction est au centre de la création, donc cette notion me touche. Je n’aurais jamais pensé utiliser ce terme pour parler d’un parfum avant de découvrir Fumoir. L’Eau des Baux, très bêtement, je l’aimais parce qu’il sentait bon, mais je n’avais pas eu un choc artistique. Avec Fumoir, on est vraiment à la frontière entre l’artisanat et l’art. On a l’impression d’être face à quelque chose d’évident, de cohérent, de direct, et pourtant de toucher à un milliard de choses différentes. C’est ça qui m’émeut. Cet agencement d’une multitude de notes qui forment un tout harmonieux. L’unité créée par la diversité.
Le seul problème de Fumoir, c’est qu’il coûte très cher. A 250€ les 100ml, on n’est pas loin des 50 centimes le pschitt. Dans le film Sideways, le personnage principal dit à un moment qu’il faut arrêter d’attendre le moment idéal pour boire un très bon vin car c’est le fait de boire un très bon vin qui, en soi, rend le moment idéal. Fumoir, c’est un peu ça. A chaque fois que je prends le flacon je me dis « Ah, il a couté si cher, est-ce que je ne ferais pas mieux de le garder pour un occasion spéciale? ». Sauf que quand je le porte, ça me fait ma journée.
L’été dernier, j’ai acheté Guerlain Homme L’Eau Boisée. Je suis parti au Portugal et j’avais oublié mon parfum. Je me suis trouvé tout désemparé parce que je traversais une période délicate qui impliquait l’utilisation d’un shampooing traitant au soufre. Du coup tout sentait le pet autour de moi, c’était horrible. Et comme je ne voulais pas sentir le pet à Lisbonne, je suis allé au duty free à Orly. Si je n’avais pas été dans l’urgence de trouver quelque chose, je ne serais jamais allé vers Guerlain parce que j’ai l’impression que ça sent le vieux. Dans les parfums Guerlain il y a un côté suave qui m’évoque une robe de chambre un peu épaisse, une chemise avec un foulard, le 7ème arrondissement. Mais si je compare cette Eau Boisée à Habit Rouge, par exemple, je le trouve plus énergique, plus dynamique. Bon, ce n’était pas un coup de foudre absolu non plus. Mais je l’ai pris parce que son côté boisé me plaisait bien, qu’il n’était pas trop sucré et qu’il était plutôt frais et vert, parfait pour l’été. Il a aussi un petit côté iodé amer que j’aime beaucoup. J’aime bien l’amertume dans le parfum mais il faut que ce soit contrebalancé par autre chose, sinon ça m’énerve. Je trouve ça facile, et puis pas du tout adapté à ma morphologie. Un parfum qui est juste amer, pour moi, c’est un grand maigre qui porte un cuir. Ca m’agace.
Depuis que je m’intéresse au parfum, je vois pas mal de parallèles avec la musique. Pour moi, la musique, c’est l’invisible et l’abstrait. Tu es entouré par quelque chose que tu ne peux ni voir ni toucher, et qui ne peut pas t’évoquer immédiatement quelque chose de précis, contrairement à une peinture, une sculpture, une photo ou une pièce de théâtre. A cet égard, il y a des points communs.
Et il y a un autre truc que je trouve fascinant. Lorsque tu regardes n’importe quelle œuvre d’art, tu es face à quelque chose qui existe au monde de façon universelle. Si ta perception en est subjective, c’est uniquement parce qu’elle passe par tous les filtres que sont ton savoir, ton apprentissage, ta culture, ton expérience, la société, tout ça. Mais le parfum, lui, n’existe quasiment qu’à travers les différentes personnes qui le portent et, du fait de son interaction chimique avec la peau de chacun, il se transforme à chaque fois d’une façon forcément unique. Quelque part, en portant un parfum, tu le recrées. Même si c’est complètement incontrôlé et involontaire, tu en deviens l’interprète.
Arthur Lavandier, 27, composer.
If I really have to be exhaustive, I once got a Disney fragrance when I was a kid. Later on, towards the end of middle school, I tried Eau des Baux by l’Occitane, of which my dad had gotten a bottle. I liked whatever smelled good but I didn’t care about perfume at all. As a result, for 10 years, and wore nothing but this one. I like Eau des Baux on me better than I like it when I smell it on a piece of paper or on other people. When I spray it on, its smell vanishes rather quickly, only to come back at the end of the day or even at night, especially if I’ve sweated a little: that’s when it transforms itself to become really cool and very personal. That is also when people start complimenting me about it. I’ve got my best mojo about 12 hours after spraying. Although I still wear it from time to time, this perfume will have been the smell of my youth.
Last year, I went to Jovoy for the very first time and I got out with a bottle of Fumoir by Arte Profumi. I love, love Fumoir. Unlike Eau des Baux, which on me evolves a lot over time, this one is a direct outburst: it is immediately full, obvious, and it stays that way until the end. I never sprayed my wrists before but I’ve started doing it with Fumoir: its smell impregnates my clothes in the winter and more than that, it allows me to escape from reality when I’m in the metro, just by lifting my hand to my nose. Which is a great thing in the morning at Château-Rouge station. Fumoir transports me into another universe, although it doesn’t call for precise images. Of course, there is leather, woods, fire, earth, whisky, chocolate… but what strikes me and what I like about it is the work of construction one can feel has been done. Just like when you see a great movie or listen to a great symphony. My knowledge of perfumery is very limited, but in music, construction is at the core of creation, so this notion speaks to me. I would have never thought to use that word to talk about a perfume before I discovered Fumoir. Quite simply, I loved Eau des Baux because it smelled good, but I had never had an artistic shock. Fumoir really stands at the frontier between craftsmanship and art. We feel like we are facing something obvious, consistent, direct, and yet to be touching a billion different things. This is what moves me. The fact that a large variety of notes were arranged to make a harmonious whole. Unity through diversity.
The only problem with Fumoir is that it is very expensive. At 250€ for 100ml, it’s not far from 50 cents a spray. In the movie Sideways, there’s this scene where the main character says one needs to stop waiting for the perfect moment to drink a very good wine because it is the fact that you are drinking very good wine that, in itself, makes the moment perfect. That’s the way I feel about Fumoir. Every time I grab the bottle I think to myself: “This cost so much, shouldn’t I save it for a special occasion”? But whenever I choose to wear it, it makes my day.
Last summer, I bought Guerlain Homme L’Eau Boisée. I left to Portugal and I had forgotten my perfume. I felt very helpless because I was going through a rough time that involved using a medicinal shampoo made with sulfur. Everything around me smelled of fart, it was awful. And because I didn’t want to smell like fart during my stay in Lisbon, I hit the duty free at Orly. If I hadn’t had to find something urgently, I would have never tried the Guerlain perfumes because I get the feeling that they smell like an old person. There is this suave thing about them that evokes to me a thick bathrobe, a shirt worn with scarf, the 7th arrondissement in Paris. But if I compare this Eau Boisée to, say, Habit Rouge, I find it more energetic, more dynamic. Well, it wasn’t love at first sniff either. But I bought it because I liked its woody facet, because it wasn’t to sweet but rather fresh and green, perfect for the summer. It also has that salty bitter aspect that I enjoy. I like bitterness in a perfume but it has to be balanced by something else, otherwise it annoys me. I find it easy, and not in phase with my morphology. To me, a perfume that’s just bitter is the equivalent of a tall skinny guy in a leather jacket. It irritates me.
Since I started being interested in perfume, I’ve found many parallels with music. For me, music is the invisible and the abstract. You are surrounded by something you cannot see or touch, and that cannot immediately evoke something precise, unlike a painting, a sculpture, a photograph or a theatre play. In this regard, there are similarities.
And there is another thing that I find fascinating. When you look at any work of art, you face something that exists to the world in a universal way. If your perception of it is subjective, it is only because of all the filters you have, such as your knowledge, education, culture, personal experience, society and all that. But perfume exists almost only through the different people who wear it and, because of its chemical interaction with each person’s skin, it transforms itself every time in a way that can only be unique. By wearing a perfume, you somehow re-create it. Although you can’t decide or control it, you become its interpreter.