Leur histoire est une success story qui a de quoi faire rêver : Sylvie Ganter-Cervasel et Christophe Cervasel travaillaient tous les deux dans l’industrie du parfum lorsqu’ils se sont rencontrés. Ca a été le coup de foudre. Après avoir tout plaqué pour vivre leur histoire d’amour, ils se sont appuyés sur leur passion commune de la cologne pour créer, en 2008, leur propre maison de parfum. Atelier Cologne vend aujourd’hui ses créations aux quatre coins du monde. Deux ans tout pile après ma première interview avec eux, Sylvie et Christophe m’ont à nouveau reçue dans leur appartement/bureau du 8ème arrondissement parisien pour évoquer tout le chemin parcouru. Notamment huit nouvelles colognes, un mariage et beaucoup de projets.
Lorsqu’on s’est rencontrés, il y a deux ans exactement, vous commenciez tout juste à faire parler de vous…
Sylvie : En France, on démarrait, oui. C’est parce qu’on s’est d’abord lancés aux Etats-Unis. Là bas, on a eu la chance incroyable d’être choisis par Neiman Marcus, le grand magasin par excellence, très luxe, très établi, avec une clientèle de qualité. Ils nous ont mis sur leurs comptoirs en janvier 2010, et on a décidé de concentrer tout notre temps et notre énergie là dessus. Ce n’est que fin 2010 qu’on a commencé à rencontrer des revendeurs en France. On a démarré tout doucement, avec quelques revendeurs indépendants. Puis, en février 2011, on a fait notre premier lancement presse en France pour se présenter aux journalistes, dire que la marque existait. Et ce qui nous a vraiment lancés, c’est quand les Galeries Lafayette sont venus nous trouver, en septembre 2011. On a lancé avec eux leur programme de parfums d’exception : on a été les petits nouveaux aux côtés de Serge Lutens, Annick Goutal, Diptyque, l’Artisan Parfumeur, ces noms installés qui occupent une position à part dans le paysage de la parfumerie.
Qu’est ce qui a changé depuis notre rencontre autour d’un jus d’orange sanguine, en juillet 2012 ?
Ca paraît si loin… On avait déjà lancé les 5 colognes de notre collection Originale, et on avait commencé la collection Matières. Aujourd’hui, on a huit colognes de plus. Déjà, il y a ca. Mais ce qui change, de façon plus générale, c’est que tout va tout le temps plus vite. C’est un peu grisant, car on a beaucoup de demandes et ça veut dire que la marque prend, qu’elle plait. Avec Atelier Cologne, les possibilités sont infinies, ce qui n’était pas gagné au départ car on partait, avec la Cologne, sur un segment très spécifique du marché. Mais finalement il y a plein de suites et d’évolutions possibles : au niveau des matières, mais aussi sur les décors des flacons, comme avec la Collection Métal avec laquelle on s’est vraiment fait plaisir ; ou encore la ligne de soin qui me tenait vraiment à cœur et qui nous permet de nous développer d’une toute autre façon. On travaille aussi beaucoup le cuir, avec une tannerie et un fabricant de bracelets de montres qui est à Besancon. Au début on partait sur des couleurs standard, et à force on fait de plus en plus de couleurs sur-mesure, comme notre vrai bleu Atelier Cologne. Au printemps, on va avoir un lancement où la couleur du cuir est exactement celle de l’étiquette. Donc on s’amuse.
Christophe : Ce qui a changé aussi, c’est qu’en deux ans on est devenus beaucoup plus internationaux. Au départ on était Franco-Américains, aujourd’hui on est dans 34 pays. On a vu que notre histoire fonctionnait très bien ailleurs : Asie, Moyen-Orient, Russie… On a eu un super accueil partout.
Sylvie : C’est vrai, même là où on ne s’y attendait pas forcément. Je me souviens notamment d’un lancement au Japon, que j’ai fait toute seule. On m’avait dit « le Japon est un marché microscopique, personne se parfume, c’est hyper mal vu »… et au final, j’avais des journalistes qui avaient les larmes aux yeux pendant toute la présentation. Ils étaient touchés par les histoires, les matières, notre façon de travailler… Je suis sortie lessivée, mais pleine d’émotions. Ces gens aiment le parfum, et pas juste Bois Blonds ou Oolang Infini. C’est une adhésion à l’histoire, au concept, à ce qu’on raconte.
Quels sont vos meilleurs souvenirs de lancements ?
Christophe : On a fait le lancement pour Ambre Nue ici, chez nous, et c’était incroyable.
Sylvie : On avait fait une mise en scène dans le salon, et ensuite chaque chambre accueillait un parfum et son ambiance : sur chacune des cheminées, on avait reproduit les natures mortes qui correspondent de chaque parfum. L’appartement n’a jamais été aussi rangé et organisé que ce jour là ! L’idée de ce lancement nous a été soufflée par Nathalie (Franchini, leur attachée de presse, ndlr) mais ça nous a paru tout à fait naturel de recevoir des journalistes chez nous. De toutes façons, on travaille depuis la maison, on est très proche de notre équipe, c’est un peu une grande famille !
Le fait de vous ouvrir à de nouveaux marchés vous donne-t-il l’inspiration de nouvelles créations ?
Sylvie : Oui, énormément. Ca nous donne des idées de matières, de présentations…
Christophe : La naissance de la collection Métal, par exemple, a été liée au développement en Asie. On y a rencontré la réaction de consommateurs aux goûts assez classiques, qui adoraient nos parfums, mais auraient voulu un objet un peu plus luxe pour faire des cadeaux. On a trouvé ce feedback très intéressant et on a trouvé que le métal répondait bien à cette demande.
Sylvie : D’ailleurs c’est une histoire assez drôle, ces flacons métallisés. Alors qu’on mettait nos étiquettes au point à Orléans, à l’automne 2009, le patron de l’usine nous prend à part et nous dit « j’ai un truc à vous montrer » : c’était des flacons en verre, recouverts d’argent complètement oxydé. En les voyant, je dis à Christophe : il faut qu’on fasse ça. Pour moi, c’était complètement nous. Alors le bonhomme nous explique que c’est pas au point, mais on l’a gardé en tête et on leur a demandé régulièrement des nouvelles. Jusqu’au moment où on les a appelés et on leur a dit qu’on voulait vraiment lancer des flacons avec leur technique. C’était début 2013, et il se trouve qu’ils venaient justement de démarrer la phase d’industrialisation. Le timing était parfait.
Christophe : En tous cas, les commentaires et les réactions de nos clients partout dans le monde sont hyper importants. Ils nous permettent de ne pas rester sur nos acquis, de voir quels autres univers on peut explorer.
Sylvie : Je pense que par rapport au processus de création, quelque chose qui nous aide aussi beaucoup, c’est d’être deux. Parce qu’on est tous les deux capables de partir dans des milliards de directions, il y en a toujours un pour freiner l’autre. Mais quand on met le doigt tous les deux sur la même chose en même temps, on sait que c’est le bon moment. Dans notre développement, de façon assez naturelle, le fait d’être deux nous donne beaucoup d’assurance.
Quels sont les commentaires que vos clients vous font le plus souvent ?
Christophe : Les parfums eux-mêmes, c’est de ça que les gens nous parlent beaucoup. De packagings aussi, notamment les flacons de voyage 30ml qui ont beaucoup de succès. Et enfin, ils nous disent souvent qu’ils aiment les photos, ces natures mortes qu’on réalise pour chacune de nos créations. Ce que je regrette, c’est qu’ils ne nous parlent pas plus des histoires qu’on écrit en parallèle. Beaucoup de clients portent nos parfums, connaissent nos cartes postales, mais ils ne sont pas au courant qu’il y a une histoire derrière. Les histoires, c’est pour les vrais fans.
Quels sont vos parfums qui se vendent le mieux selon les différentes régions du monde ?
Christophe : Aux Etats-Unis, on a d’une part la clientèle de Neiman Marcus qui porte Orange Sanguine, Rose Anonyme et Silver Iris. Chez Sephora et en boutique, notre clientèle porte Orange Sanguine, Vanille Insensée et Cédrat Enivrant.
En Chine, c’est Oolang Infini et Vétiver Fatal ; en Corée Orange Sanguine et Cédrat Envirant, à Hong Kong Vétiver Fatal et Gold Leather, et au Japon Bois Blonds, Oolang Infini et Trèfle Pur.
Au Moyen-Orient, Rose Anonyme est largement devant, et Silver Iris marche très bien aussi.
Sylvie : En France, on a du mal à savoir, ça dépend vraiment des boutiques. La première année, on avait juste la boutique de la rue Saint Florentin à Paris, et Vétiver Fatal était largement en tête. Mais c’est parce que Donatien, notre vendeur, le portait : du coup, il a réussi à convaincre tous les clients de l’acheter, les hommes comme les femmes !
Christophe : Et en Europe au sens large, on a peu de statistiques, mais Orange Sanguine fonctionne très bien, et le lancement de Cédrat Enivrant a très bien fonctionné.
Finalement, Orange Sanguine, qui est votre premier parfum, reste votre best-seller…
Oui, et c’est avec lui qu’on va lancer notre ligne pour quelques beaux hôtels.
D’où le développement récent de votre ligne pour le bain ?
Exactement.
Sylvie : C’est un projet sur lequel on bosse depuis le début parce que paradoxalement, même si Orange Sanguine est notre meilleure vente, c’est un des seuls que ni Christophe ni moi ne portons. Par contre, on rêvait tous les deux de prendre une douche avec ! Parce que c’est vraiment une odeur et une sensation que tu as envie d’avoir le matin. Moi je suis assez stricte au niveau des ingrédients que j’utilise, donc il y a eu un vrai travail sur la base, qui nous est propre : sans sodium laurylsulfate, sans parabens ou dérivés du pétrole… Rien de ce qu’il ne faut pas. On a un gros 0% sur nos packagings, c’est une vraie revendication, on utilise beaucoup de naturels dans nos parfums et on veut mettre en avant le fait que quand on développe un produit soin, c’est pas juste une base hyper générique dans laquelle on met le parfum, mais une base qui nous est propre, dans laquelle on adapte le parfum pour qu’il fonctionne avec la base.
Ce sont donc de nouveaux défis en termes de développement olfactif ?
Sylvie : Oui, et avec Cédrat Enivrant on y est toujours pas arrivé ! En lait pour le corps, il sent le concombre… Avec Rose Anonyme, on y est arrivé très vite. On va le lancer cet l’automne, en même temps que le Cédrat, si on y arrive d’ici là.
Parlez-moi de votre travail avec les parfumeurs : le dialogue créatif avec eux devient-il plus facile avec le temps, l’habitude ? Et d’ailleurs, travaillez-vous toujours avec les mêmes – Ralf Shweiger et Jérôme Epinette ?
Oui. Ce qu’on a appris avec le temps, c’est quel projet donner à qui. Parce qu’on a jamais mis Ralf et Jérôme en concurrence : on ne les fait jamais travailler sur le même parfum pour choisir le meilleur à la fin. On connaît très bien l’écriture de Ralf qui est très directe, droit au but, mais en réalité très complexe. Jérôme a une écriture très facettée. Quand on a envie de travailler différents angles d’une même matière, comme dans la collection Métal, Jérôme s’impose naturellement.
Et puis on travaille différemment avec les deux : Jérôme est ultra créatif, parfois il nous propose des choses qui sont même pas dans des briefs, et on accroche ou pas ; Ralf, lui travaille beaucoup plus lentement, accord par accord, étape par étape. Ca fait beaucoup d’allers-retours à New York. Mais on travaille avec eux depuis tellement longtemps qu’on se comprend vite, on partage un vocabulaire.
Quelle est la signature olfactive qui se dessine au fil des créations ?
L’overdose d’agrumes. Soit les agrumes sont les stars et les notes de fond vont faire durer l’agrume, ou l’illusion de l’agrume dans le temps – c’est la collection Originale – soit on travaille des matières plus opulentes ou plus classiques mais avec des agrumes pour leur apporter de la transparence, de l’éclat, de l’élégance – c’est la collection Matières. Dans la collection Métal, l’exercice olfactif est assez similaire mais on s’est amusés avec des matières plus rares, moins connues du grand public.
Christophe : Les gens nous parlent beaucoup d’odeurs naturelles. Ils ont le sentiment de connaître les notes, contrairement à d’autres parfums où on ne distingue pas toujours ce qu’il y a dedans. Nos parfums ne sont pas du tout abstraits ; ils évoquent toujours des choses.
Dans les retours que j’ai eus de notre soirée FLAIR x Atelier Cologne, les gens étaient contents de reconnaître les notes de vos jus : même s’ils n’étaient pas tous experts en parfumerie, beaucoup ont le sentiment de « comprendre » vos parfums et je crois que c’est très agréable pour eux. C’est presque un peu ludique, cette collection.
Sylvie. Et c’était un parti-pris dès le départ : les noms qu’on a choisis ne sont d’ailleurs pas le fruit du hasard. C’est toujours un ingrédient et un adjectif. Et cet ingrédient, ce sera vraiment la star du parfum. Si c’est un agrume, il est au centre, et si c’est une vanille, qui est peut-être une des matières les plus galvaudées de la parfumerie, on lui apporte un éclairage tellement différent qu’elle en devient « insensée ». On part d’une matière, et on la regarde sous différents angles, toujours avec des agrumes pour donner de la transparence à l’écriture. Je pense que ça caractérise très bien notre style olfactif.
Et ça file la métaphore de l’authenticité que vous revendiquez. C’est direct, lisible, et je crois que pour beaucoup de consommateurs aujourd’hui, c’est déjà pas mal.
Christophe : Les clients sont noyés dans les gros blockbusters, alors quand ils rencontrent une marque comme la notre, ils se disent « ça, c’est différent ».
Sylvie. Nous, en étant issus de l’industrie, on arrive, olfactivement parlant, à faire la différence : il y a d’un côté les marques sélectives de fashion designers avec ce gros pot-pourri floral fruité – tous ces parfums se ressemblent beaucoup – et de l’autre la parfumerie de niche où, par définition, c’est plus polarisant : on trouve des créations plus abstraites, plus différenciantes, mais je pense que dans ces deux mondes là, la communication au consommateur est très souvent identique : super sexy pour elle, super sexy pour lui. Et nous, on parle pas du tout comme ça au client ! On parle de matières, d’émotions. Je pense qu’on peut toucher le client autrement qu’en lui parlant constamment de séduction, le faire rêver de façon beaucoup plus naturelle.
La matière est-elle toujours le point de départ de vos parfums ?
Sylvie : Non, ça peut souvent venir d’une émotion. Par exemple, il y a une matière qu’on adore, c’est le jasmin. Mais pas du tout en parfumerie car, quand tu la distilles, elle devient très opulente, voire animale, sirupeuse, grasse… bref, pas du tout dans nos codes. Or le vrai jasmin, en extérieur – Christophe en avait plein sa terrasse à Paris – c’est magique comme odeur. On a toujours eu envie de travailler cette matière parce que les moments qu’on a passés sur cette terrasse étaient parfaits. Et puis, il y a quelques semaines, on part en voyage de pré-noces en Italie et les murs de l’endroit où on était étaient couverts de jasmin. Alors on s’est regardés et on s’est dit « forcément, il faut qu’on y arrive! ». Puis, le jour de notre mariage cet été, le haut de ma robe était en dentelle brodée transparente, et c’était des fleurs de jasmin, chose que je n’avais même pas remarqué en l’achetant ! Alors là, on se dit qu’on a pas le choix, il faut qu’on le fasse. C’est une évidence. Il faut qu’on fasse un jasmin, qui ne sera pas un jasmin Sambac mais plutôt un jasmin d’Egypte, plutôt vert, et il faut qu’on le travaille avec beaucoup de vert, ou alors avec beaucoup d’épices, parce que c’est une autre règle chez nous : si on travaille une matière traditionnellement féminine, elle doit pouvoir être portée par un homme, et vice-versa.
Et quel est le point de départ de Blanche Immortelle, que vous venez de lancer ?
Pour nous, l’immortelle c’était la Corse, le maquis, les vacances, une odeur ensoleillée et chaude. Le point de départ, c’était ce sentiment, cette émotion, plus que l’immortelle en tant que telle.
Christophe : En termes de packaging, on voulait travailler un or rose, et on a voulu créer une fleur pour cette collection Métal, que les hommes puisse porter.
Et Santal Carmin ?
Sylvie : C’est une matière qu’on adore et qui est beaucoup travaillée en parfumerie, mais souvent de façon similaire et souvent comme un outil, capable de donner ce côté boisé et de créer des notes de fond qui ont beaucoup de douceur. Quand le santal est travaillé en ingrédient star, c’est souvent son côté crémeux, doux, lacté qui est mis en avant. Nous on a pris le contrepied de ça. On s’est dit qu’il était déjà très onctueux et on s’est demandé à quoi on pouvait l’associer pour faire un santal différent. On a travaillé l’idée des épices et en tombant sur le safran, ça s’est imposé comme une évidence. En plus, ça faisait un joli écho à la fleur d’immortelle qui est déjà épicée par nature et ça permettait de constituer une famille olfactive qu’on n’avait pas du tout chez nous.
Dernière question : à votre mariage, vous portiez quoi ?
Sylvie : J’ai failli porter quelque chose qui était pas Atelier Cologne et Christophe m’a dit « non tu peux pas faire ça ! ». C’était la Cologne de Mugler, parce que c’est le parfum qu’il portait quand je l’ai rencontré, et que j’ai adopté par la suite. On l’adore tout les deux. C’est un parfum magnifique, qui symbolise aussi beaucoup de nos premiers moments ensemble. Mais finalement, j’ai opté pour Bois Blonds.
Christophe : Moi, je portais Blanche Immortelle. Je le trouve très agréable quand il fait chaud.
Sylvie : De tous nos parfums, c‘est celui qui te va le mieux.
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