
Louise porte le parfum Balenciaga
Louise Pothier, 28 ans, journaliste pour le Nouvel Observateur.
Entre le collège et le lycée, j’ai porté pas mal de parfums différents. Ma grand-mère collectionnait les flacons de parfum, elle en avait des milliards, et moi je lui donnais les miens quand ils étaient vides, donc à l’époque je les choisissais aussi en fonction. C’est comme ça que j’ai porté Ca sent beau, de Kenzo, avec son flacon en forme de fleur, et Dolly Girl d’Anna Sui, avec son flacon rose en forme de tête de femme. Puis il y a quelques années, j’ai commencé à travailler pour une rédaction où il y avait un rituel : au mois de juin et au mois de décembre, le service beauté faisait la distribution des parfums reçus au cours du semestre. L’assistante beauté, une fille qui a un nez incroyable, nous aidait à trouver le notre et nous encourageait à venir les essayer. Alors il y avait celles qui avaient leurs habitudes – notre rédac’ chef prenait systématiquement Shalimar – et puis celles comme moi qui ne savaient pas trop. J’ai porté Hypnôse Senses, de Lancôme, mais au bout d’un moment je ne l’ai plus supporté, il était trop fort. C’est marrant parce que, jusqu’à assez récemment, je me disais qu’il fallait qu’un parfum tienne du matin jusqu’au soir, pour que les gens puissent tout le temps sentir mon odeur et me reconnaître. Et puis du jour au lendemain j’ai changé, je me suis rendu compte que si les gens le sentaient encore à la fin de journée, c’est justement que ça n’allait pas… Après ça j’ai tenté Euphoria de Calvin Klein, mais il était lourd lui aussi, et puis à cette époque tout le monde le portait : c’était chiant, son odeur était devenue impersonnelle. Un peu comme White Musk du Body Shop, que j’ai porté au collège, comme tellement d’autres filles… Un que j’ai adoré, c’est Vanilla & Anise chez Jo Malone : il était costaud mais moins cucul, moins vulgaire que les précédents. Assez dense, et avec beaucoup de personnalité. Il était juste un poil trop cher pour que je m’y attache…
Et un beau jour l’assistante beauté m’a dit de venir sentir le parfum Balenciaga qu’elle venait de recevoir, que ça me plairait sûrement et que ça m’irait bien. Elle avait raison, et ça fait 4 ans que je le porte. Je ne le sens plus sur moi, mais les gens me disent souvent que je sens bon, même le soir ! En plus, peu de gens le portent, je trouve que ça agréable. J’ai tenté d’autres choses depuis, notamment Madame de Jean-Paul Gaultier, mais plus personne ne me faisait de compliment. C’est fou ça, parce qu’en soi, il sentait bon ce parfum. Il faut croire que c’est plutôt une question de synergie entre le parfum et la personne qui le porte. Quoi qu’il en soit, Madame a atterri dans mes chiottes. Parfois, je me remets à vouloir trouver un nouveau parfum, mais je trouve ça hyper risqué. Balenciaga, c’est quand même devenu mon odeur… Récemment, j’ai adoré Infusion d’Iris de Prada, c’est un parfum que je me verrais bien porter l’été.
J’ai toujours fait en sorte qu’il reste quelques gouttes de parfum dans mes vieux flacons : que ce soit chez ma grand-mère ou chez moi, j’aime les ressentir de temps en temps, parce que ça me ramène toujours à une ambiance – c’est jamais un moment précis ou une personne en particulier, mais plutôt comment je me sentais, moi, à cette époque. Et ça, c’est vrai des odeurs en général. Par exemple, pour moi, l’odeur du buis, c’est l’odeur de mon enfance parce que j’allais toujours à la Roche de Solutré avec mes grands-parents et qu’elle est couverte de buis ! J’étais chez des gens le weekend dernier, il y avait du buis et en un instant j’ai eu l’impression d’être une petite fille. C’est incroyable, les odeurs : instantané et surtout tellement puissant. Avec mon frère, on a un truc avec l’odeur des roses : on avait une maison de campagne en Normandie, et le dimanche soir avec nos parents, on repartait en voiture pour Paris avec un énorme bouquet de roses fraîchement cueillies. Il y avait donc l’odeur de la vieille voiture qui se mêlait à celle des roses, l’odeur de ma mère qui à l’époque portait Rive Gauche d’Yves Saint Laurent, plus les poubelles dans le coffre qu’on déposait en cours de route. Ce cocktail d’odeurs, pourtant hyper spécifique, dès que je sens des roses bien odorantes, je l’ai dans le nez…
Louise Pothier, 28, journalist at Le Nouvel Observateur.
Between secondary school and high school, I wore a lot of different perfumes. My grandmother would collect perfume bottles, she had like billions of them, and I would give them mine when they were empty so I took that into account when I chose my fragrances. This is how I wore Kenzo’s Ca sent beau, with its flower-shaped bottle, and Dolly Girl by Anna Sui, with its pink bottle shaped like the head of a woman. Then, a few years ago, I started working for a magazine and there was this ritual at the office: every June and December, the beauty department would make a distribution of all the perfumes they’d received in the past six months. The beauty assistant, a girl with an incredible flair, helped us choose and encouraged us to come over and try them. There were those who already had their habits – our editor in chief would systematically pick her Shalimar – and then there were the ones like me who didn’t know what they wanted. I tried Lancôme’s Hypnôse Senses, but after a while I couldn’t stand it, it was too strong. It is funny because, until pretty recently, I thought that a perfume had to last from morning to evening, so that people could always smell me and recognize me. But suddenly I realized that if people could still smell my fragrance at the end of the day, it was precisely that there was a problem… After that I tried Calvin Klein’s Euphoria, but it was heavy, too, and besides everybody wore it at that time: it wasn’t cool, its smell had become impersonal. Kind of like The Body Shop’s White Musk, which I wore in secondary school, like so many other girls… One that I loved was Vanilla & Anise by Jo Malone: it was pretty strong but far less girly and vulgar than the other ones I’d tried before. Very dense, with a lot of character. It was just a little bit too expensive for me to get attached…
Then one day the beauty assistant told me I should come and smell the Balenciaga fragrance she had just received, that I would probably like it and that it would smell good on me. She was right, and I’ve been wearing it for 4 years now. I can’t smell it on myself anymore, but people do tell me I smell good, even in the evening! Besides, few people wear it, which is nice. I tried other things since, like Jean-Paul Gaultier’s Madame, but no one complimented me anymore. It is such a strange thing, because that perfume in itself did smell good. I guess it’s a matter of synergy between the perfume and the person wearing it. Anyway, that bottle of Madame ended up in my toilet. Sometimes I want to find me a new fragrance, but I think it is super risky. I mean, Balenciaga has become my smell now… Recently, I’ve had a crush on Prada’s Infusion d’Iris, it’s one I could picture wearing in the summer.
I have always left just a few drops of perfume in my old bottles: whether at my grandmother’s house or at home, sometimes I like to smell them again because it brings me back to an atmosphere – it is never a precise moment or a particular person, but rather a glimpse at how I was feeling back then. And this is true of smells in general. For example, the smell of box tree is the smell of my childood because my grandparents would always take me out to the Roche de Solutré and it is covered with box tree! I was visiting some people last weekend and they have box tree and immediately I felt like I was a little girl again. Smells are crazy that way: immediate and extremely powerful. With my brother, we share a thing with the smell of roses: we used to have a country house in Normandy, and on Sunday nights with out parents, we drove back to Paris with a huge bouquet of freshly-cut roses. So there was the smell of our old car mixing with the smell of roses, the smell of my mom who wore Yves Saint Laurent’s Rive Gauche back then, plus a bag of trash we would drop along the way. This cocktail of smells, although very specific, as soon as I smell odorant roses, I have it in the nose…