Les gants parfumés de l’Artisan Parfumeur

L’Artisan Parfumeur s’apprête à sortir une édition super limitée de gants en cuir parfumés avec son célèbre Mûre et Musc Extrême. L’occasion de se pencher sur les liens étroits qui unissent les univers de la tannerie et de la parfumerie, notamment au 16ème et 17ème siècle : à ce moment-là, la mode de parfumer les gants rapproche tant les métiers de gantier et de parfumeur qu’un trait d’union finit par donner naissance à la profession de gantier-parfumeur.

Grasse se spécialise dans le tannage du cuir dès le Moyen-Age, et la qualité de ses peaux, souvent exportées vers l’Italie, lui permet d’asseoir une belle réputation. C’est le tanneur  Galimard qui, le premier, a l’idée de parfumer ses gants, d’abord pour masquer leur forte odeur de peau qui gêne la bourgeoisie qui les porte. Fondateur de la corporation des gantiers-parfumeurs, fournisseur de la cour du Roi en huiles d’olives, pommades et parfums, dont il était l’inventeur des premières formules; il offre une paire à Catherine de Médicis et toute la cour se met à raffoler de cet accessoire, qui doit son parfum aux fleurs qui abondent à Grasse : lavande, jasmin, rose, mimosa, fleur d’oranger…
Il faudra attendre l’essor concurrentiel des tanneries Niçoises, dès le 18ème siècle, pour que Grasse délaisse le cuir et se concentre exclusivement sur le parfum et la production de matières premières: en 1724, les gantiers-parfumeurs se séparent de la corporation des tanneurs. Moins d’un siècle plus tard, Grasse devient la capitale mondiale du parfum. 

A ma connaissance, les gants parfumés ne courent aujourd’hui plus les rues. Je me suis demandé comment l’Artisan Parfumeur avait eu l’idée de les remettre au goût du jour et surtout, si la technique de parfumage utilisée aujourd’hui avait quelque chose à voir avec celle d’il y a 4 siècles.
J’ai donc frappé à la porte de la boutique de l’Artisan Parfumeur de la rue de l’Amiral de Coligny, à Paris, où j’ai pu rencontrer la charmante Justine Lacaille, du département communication, qui m’a expliqué leur processus de fabrication. J’ai pu aussi coller mon nez sur une paire des fameux gants, pour y découvrir un Mûre et Musc Extrême discret mais bien présent, un peu laiteux (sûrement l’odeur sous-jacente du cuir), qui m’a carrément évoqué un yaourt aux fruits rouges – en un peu plus élégant, certes. Le gant lui-même, fabriqué par Causse, est d’une façon irréprochable : le cuir est souple et brillant, les coutures impeccables, le tout est emballé dans un joli petit paquet et c’est, somme toute, un très bel objet.

Flair: Comment l’Artisan Parfumeur a-t-il eu l’idée de ces gants parfumés ?

Justine Lacaille: Les gants font partie de notre Collection de Grasse, qui sort en octobre. La maison s’est toujours inspirée de tous les voyages que font nos parfumeurs : on a envoyé Bertrand Duchaufour au Bhoutan, au Panama, à Istanbul, et il nous a rapporté de magnifiques parfums. Mais là, il est temps de revenir en France, le berceau de la parfumerie, dans la capitale du parfum qu’est Grasse. C’est une collection inspirée par l’arrière-pays Grassois, ses montagnes et la Méditerranée, avec l’idée d’un retour aux racines de la parfumerie, à l’époque où les parfumeurs étaient maîtres gantiers.

A l’époque, les techniques de parfumage du cuir, via enfleurage, ne parfumaient que la surface de la peau, il fallait la reparfumer régulièrement pour que la senteur reste. Là, l’innovation de l’Artisan Parfumeur, c’est qu’avec le gantier Causse, une très belle entreprise du Patrimoine Vivant, on a mis au point le concentré de parfum ainsi que les huiles de nourriture qui font que l’odeur est ancrée en profondeur dans le gant. Le cuir est teint avec le concentré, il trempe pendant 4 heures, ce qui fait que le parfum s’infiltre dans toutes les couches du cuir et que les gants restent odorants pendant trois ans.

Les gants sont donc trempés dans un mélange de parfum et de graisse ?

Le terme technique est « huiles de nourriture » : elles assouplissent et nourrissent le cuir.

Auxquelles on ajoute simplement le parfum ?

On ajoute le concentré qui n’a pas été mélangé à l’alcool. Ca a été un long procédé de développement : on ne voulait pas une version cuirée de Mûre et Musc Extrême mais quelque chose de fidèle. C’est l’un de nos best-sellers, un peu plus fruité et gourmand que Mûre et Musc, et c’est pour ça qu’on l’a choisi. Comme le montre la vidéo, le cuir baigne dans un tonneau avec le concentré, la teinture et l’huile de nourriture.

C’était déjà le cas à l’époque ?

Non, justement : ils baignaient le cuir mais il n’y avait pas le mouvement que crée aujourd’hui le tonneau. En plus, ils parfumaient la peau avec des fleurs, c’était donc très superficiel.

La formule de Mûre et Musc Extrême a-t-elle été retravaillée ?

Oui, parce qu’il a fallu adapter le concentré de telle sorte qu’il donne une odeur harmonieuse une fois mélangé à l’huile de nourriture. Il a fallu trouver des huiles pas trop odorantes.

Etes-vous les seuls à faire des gants parfumés aujourd’hui ?

Oui. Francis Kurkdjian a fait des gants pour un événement parfumé à Versailles, mais c’était juste du cuir vaporisé avec du parfum. Là il n’y a pas d’entretien à faire, on peut les reparfumer si besoin et ça ne tâchera pas le cuir. C’est un cuir d’agneau très souple, 100% français, comme le produit : les agneaux sont français, et Causse monte les gants.

A terme, ça pourra mener l’Artisan à développer une gamme de produits parfumés ?

Je pense, oui. On attend de voir. Pour l’instant, c’est un bel objet qui en dit beaucoup sur notre marque : on a pas peur de faire des choses différentes, on utilise notre héritage pour ressortir quelque chose aujourd’hui… Et ça donne un bon message à propos de la marque. Causse fait les gants de Chanel et Hermès, c’est l’un des derniers gantiers de Millau à avoir survécu à la crise et aux nombreuses délocalisations.

L’Artisan Parfumeur vient-il de Grasse ?

La maison a été fondée par Jean Laporte en 1976, c’était un chimiste passionné des matières premières, et il avait décidé de créer un art du parfum. Il voyait que la parfumerie prenait un mauvais chemin parce que les marques commençaient à utiliser beaucoup de matériaux synthétiques et peu coûteux, et il a décidé de lancer sa propre marque pour faire des choses fidèles à ce qu’il croyait. L’Artisan Parfumeur est l’une des premières marques niche française. C’est une belle histoire et ce produit et l’occasion de la raconter. Cette année, pour l’Artisan, c’est retour aux sources ! Nos deux bougies Automne et Hiver vont sortir en même temps que les gants, en octobre, et en mars 2013 on aura les bougies Printemps et Eté ainsi qu’une nouvelle eau de toilette.

Gants disponibles du 6,5 au 8 (S à XL). 150 paires ont été produites.
Disponibles dans les boutiques l’Artisan Parfumeur (320€).

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2 Commentaires

  1. Des gants parfumés, il suffisait d’y penser.
    Merci l’artisan parfumeur !

  2. […] Collection de Grasse avait déjà donné naissance, l’automne passé, à une paire de gants parfumés réalisés en partenariat avec le gantier français Causse ainsi qu’à deux bougies, Automne et […]

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