Hermès proposait à la presse hier une balade au fil de ses Hermessences, dans le magnifique décor des Jardins Albert Kahn. A la porte de Paris, le lieu pensé par l’architecte Fumiaki Takano semblait tout désigné pour cette promenade : les dix fragrances qui composent la collection étaient présentées les unes après les autres comme autant d’étapes sur le chemin, tracé par des galets violet et ponctué d’installations artistiques, qui traversait le jardin japonais. A chacune de ces étapes, le jus était présenté aux côtés d’un haïku, puis vaporisé, pour chaque visiteur, sur un ruban à accrocher à l’éventail remis en début de parcours.
Ces dix haïkus sont nés d’une rencontre au Japon entre le parfumeur maison et créateur des jus, Jean Claude Ellena, et dix maître haïkistes.
« Sensible à la poésie, j’ai dit un jour, sans trop savoir dans quel chemin je m’engageais, que les Hermessences étaient des Haïkus. Poèmes japonais qui, selon la règle, ne doivent pas être plus long qu’une respiration et provoquer, à la lecture, « un ravissement soudain dans l’imprévisible ». En résonnance avec cette forme de poésie, je désirais que les Hermessences sucitent de l’émerveillement, qu’elles déroutent, qu’elles ne soient pas solennelles mais expriment une savante simplicité, qu’elles soient au plus près de la nature et en même temps miroir de l’esprit, qu’elles invitent à la découverte, à la curiosité », pouvait-on lire sur un cartel signé par le parfumeur, à l’entrée.
Ce jeu de piste ludique a été pensé comme une façon de présenter les Hermessences – jusqu’ici assez confidentielles – sous un angle différent. C’est ce que m’a confirmé le parfumeur en fin de parcours, souriant comme à son habitude, devant la verrière ou était présentée la collection dans son intégralité.
Ce qu’il ressort en tous cas, c’est qu’Hermès peut nous faire sentir 10 jus d’affilée en moins d’une heure, sans nous lasser. Mieux, on en voudrait encore! Les Hermessences réussissent à nous surprendre, alors que leur nom dévoile d’emblée une partie de leur composition : par sa vision toute personnelle de l’ingrédient qu’il travaille et son talent pour mettre en lumière une facette nouvelle, Ellena livre une collection de parfums figuratifs, mais pas évidents pour autant. Fidèle au raffinement minimaliste qui caractérise son art, il évoque plus qu’il ne démontre.
Jean-Claude Ellena, réputé pour sa palette d’ingrédients réduite et les formules épurées de ses créations pourtant complexes, est à la parfumerie ce que le haïku est à la poésie : le parti-pris de la simplicité.
Le parcours
1. Paprika Brasil
Un arbre immense
Fait trembler ses fleurs –
Fraîcheur de la nuit.
Kai Hasegawa
2. Osmanthe Yunnan
Derrière les fleurs d’abricotier
Une épingle à cheveux de jade
Et l’étoile du berger.
Dhugal Lindsay
3. Poivre Samarcande
Fraîcheur vespérale!
Nous vivons sur cette étoile
Planète des oasis.
Shugyô Takaha
4. Brin de Réglisse
Rafale subite,
Un soir d’été, pour faire briller
L’étoile du berger.
Madoka Hayuzumi
5. Vanille Galante
Coquillages multicolores
Sur la plage échoués…
Long après-midi printanier.
Minoru Ozawa
6. Iris Ukiyoe
A chaque fois qu’elle croise
Un homme, elle lui donne
Son parfum d’iris!
Teiko Inahata
7. Ambre Narguilé
A Carthage, un soir,
Un chat plisse les yeux
Et respire la lune.
Seegan Mabesoone
8. Santal Massoia
Que viennent à moi
La poésie, ton amour
Et cette biche sur la colline!
Saki Kôno
9. Vétiver Tonka
Elle s’écoule
En volant la lumière du soleil,
La source!
Michiko Kaï
10. Rose Ikebana
Je mordille ton oreille
Qui ressemble tant à une rose –
Dans ce parfum de rose!
Yûmu Yamaguchi

Photo : Roméo Ballancourt
Jardins Albert Kahn, 10 rue du Port, 92100 Boulogne-Billancourt
Photographies : Sarah Bouasse